La dépendance, une prison du quotidien
Les dépendances modernes ne se limitent plus à l’alcool ou aux drogues.
Aujourd’hui, les écrans, le sucre et le tabac sont devenus des compagnons insidieux, envahissant nos gestes, nos émotions et nos pensées.
Si chacun semble libre d’en user, beaucoup constatent qu’ils ne peuvent plus s’en passer.
La psychothérapie cognitive et comportementale (TCC) offre des outils concrets pour comprendre ces automatismes et en sortir pas à pas, sans jugement ni culpabilité.
Comprendre la dépendance : un apprentissage du cerveau
La dépendance n’est pas une faiblesse morale, mais un mécanisme d’apprentissage.
Selon les modèles présentés dans le Tome 1 – Les fondements théoriques de la psychothérapie, notre cerveau associe certains comportements à un plaisir immédiat ou à un soulagement émotionnel.
👉 Exemples :
- Regarder son téléphone apaise l’ennui ou l’anxiété.
- Manger du sucre procure un réconfort rapide après une journée stressante.
- Fumer devient un rituel de détente, souvent lié à un moment social.
Ces comportements, répétés, s’ancrent profondément. Le cerveau anticipe alors la récompense avant même le geste, créant un circuit automatique difficile à rompre.
Les trois dépendances les plus fréquentes aujourd’hui
1. La dépendance aux écrans
Smartphone, réseaux sociaux, jeux vidéo… L’écran stimule la dopamine — le neurotransmetteur du plaisir.
Chaque notification active ce système, d’où l’envie compulsive de vérifier sans cesse.
Les TCC identifient ce phénomène comme une récompense aléatoire : le cerveau cherche le “prochain like” comme une loterie émotionnelle.
2. La dépendance au sucre
Le sucre agit sur les mêmes circuits neuronaux que certaines drogues légères.
Il apaise le stress, compense les frustrations, mais crée un cycle de dépendance émotionnelle et physiologique : plus on en consomme, plus on en a besoin.
La TCC aide à repérer les situations qui déclenchent ces envies (fatigue, solitude, anxiété) et à y répondre autrement.
3. La dépendance au tabac
Fumer répond à une double dépendance : chimique (nicotine) et comportementale (rituel, socialisation, stress).
Les études montrent que changer la signification attribuée à la cigarette est plus efficace que la seule volonté.
C’est précisément ce que propose la thérapie cognitive.
Les mécanismes mentaux à l’origine des dépendances
Les dépendances sont renforcées par plusieurs biais cognitifs décrits dans la TCC :
- La pensée tout ou rien : “Si je craque une fois, c’est fichu.”
- La généralisation excessive : “Je n’y arriverai jamais.”
- La minimisation du risque : “Juste un peu, ça ne compte pas.”
Ces pensées automatiques alimentent la culpabilité et la perte de contrôle.
Le rôle du psychopraticien est d’aider à identifier, discuter et remplacer ces schémas par des croyances plus réalistes :
“Une rechute n’est pas un échec, mais une information utile pour comprendre mes déclencheurs.”
L’approche cognitive et comportementale : comment ça marche ?
La TCC repose sur deux axes complémentaires :
- Le travail cognitif : comprendre et transformer les pensées qui entretiennent la dépendance.
- Le travail comportemental : modifier les habitudes et mettre en place de nouvelles stratégies d’action.
Étape 1 : repérer les déclencheurs
Le thérapeute aide à dresser une carte comportementale : quand, où et pourquoi le comportement apparaît ?
Exemple : “Je regarde mon téléphone quand je ressens un vide ou une émotion désagréable.”
Cette phase d’observation (appelée analyse fonctionnelle) permet de relier le geste à l’émotion.
Étape 2 : interrompre le cycle automatique
Une fois les schémas repérés, on introduit des interruptions conscientes :
- Laisser le téléphone dans une autre pièce pendant les repas.
- Remplacer la cigarette du matin par une marche courte.
- Boire un verre d’eau avant de consommer un aliment sucré.
Ces micro-changements rééduquent le cerveau à retrouver la maîtrise.
Étape 3 : renforcer la motivation
La TCC utilise des outils de renforcement positif (valoriser chaque progrès) et des techniques d’exposition graduée pour affronter les situations à risque sans recourir au comportement addictif.
Par exemple, apprendre à rester présent dans une soirée sans fumer, ou à gérer le stress sans “scrolling” compulsif.
La pleine conscience, un allié puissant
Les thérapies cognitives de troisième vague — comme la Mindfulness (pleine conscience) et l’ACT (Thérapie d’Acceptation et d’Engagement) — jouent un rôle majeur dans le traitement des dépendances.
Elles invitent à observer les envies sans y céder, à reconnaître les émotions derrière le geste et à se reconnecter à ses valeurs profondes.
Exemple de pratique :
“Je ressens l’envie de fumer. Je respire profondément. J’observe la sensation passer comme une vague, sans y résister.”
Cette attitude d’accueil développe la liberté intérieure, car elle brise le réflexe de fuite vers la consommation.
Le rôle des émotions dans la dépendance
Le Tome 3 – Thérapies des émotions souligne combien les dépendances sont souvent des tentatives de régulation émotionnelle : on consomme pour éviter de ressentir.
La TCC apprend à identifier et à exprimer les émotions autrement :
- Reconnaître la tristesse plutôt que la combler par la nourriture.
- Gérer l’ennui sans se jeter sur son téléphone.
- Apaiser l’anxiété sans cigarette.
Apprendre à nommer et accueillir ses émotions, c’est déjà réduire la nécessité de se réfugier dans un comportement addictif.
La prévention de la rechute
La TCC considère la rechute comme une étape normale du processus de changement.
L’objectif n’est pas la perfection, mais la conscience et la réactivité.
Chaque “craquage” devient une occasion d’apprendre :
“Qu’est-ce qui a déclenché mon geste ? Qu’aurais-je pu faire autrement ?”
Le thérapeute aide à construire un plan d’action personnalisé, incluant :
- Des stratégies de gestion du stress.
- Des rituels alternatifs (activité physique, relaxation, créativité).
- Un réseau de soutien.
Un accompagnement bienveillant et non culpabilisant
Comme le rappelle le Tome 2 – La séance de psychothérapie pas à pas, la réussite du travail thérapeutique repose avant tout sur l’alliance de confiance entre le praticien et le client.
Le psychopraticien accompagne sans jugement, en proposant des outils adaptés au rythme de chacun.
Cet accompagnement ne remplace pas un suivi médical ou addictologique lorsque cela est nécessaire — il vient le compléter, en travaillant sur la dimension émotionnelle et comportementale du changement.
Conseils pratiques pour amorcer le changement
- Identifier les moments de vulnérabilité (stress, solitude, fatigue).
- Planifier des alternatives : marcher, appeler un ami, respirer.
- Récompenser les efforts, même minimes.
- Se reconnecter à ses valeurs : pourquoi ai-je envie de me libérer ?
- Pratiquer la bienveillance envers soi : le chemin compte plus que la vitesse.
Retrouver sa liberté intérieure
Sortir d’une dépendance, qu’il s’agisse du sucre, du tabac ou des écrans, c’est avant tout retrouver le pouvoir de choisir.
Les thérapies cognitives offrent un cadre structuré, bienveillant et concret pour comprendre les mécanismes en jeu et les transformer en profondeur.
Elles permettent de passer du contrôle forcé à la liberté consciente, en réapprenant à se relier à soi-même.
« La liberté n’est pas de ne plus avoir d’envies, mais de ne plus être dominé par elles. »





