Les attaques de panique sont brutales, déroutantes et souvent invalidantes. La TCC et la gestion des états de panique proposent une boîte à outils concrète pour casser la spirale « sensation → peur → hyperventilation → catastrophe ». Dans cet article, je vous détaille un protocole en trois volets — respiration & pleine conscience, restructuration cognitive, plan d’entraînement — afin d’apaiser la crise, diminuer la fréquence des épisodes et retrouver de la liberté au quotidien.
Ce qui alimente la panique
En TCC, on schématise l’attaque de panique ainsi :
Déclencheur (interne/externe) → Pensée automatique catastrophique (« je vais mourir, m’évanouir, devenir fou ») → Émotions (peur intense) → Réponses physiologiques (hyperventilation, cœur qui s’emballe, tremblements) → Comportements de sécurité/évitements (fuir, s’asseoir, appeler quelqu’un, vérifier ses constantes).
Ces « béquilles » soulagent à court terme mais entretiennent la peur à long terme. La gestion TCC des états de panique cible donc 3 points : calmer le corps, clarifier les pensées et réduire les comportements de sécurité.
Protocole Respiration & Pleine conscience (apaiser la crise sur le moment)
Objectif : réguler le CO₂, ralentir l’emballement physiologique et sortir du pilotage automatique.
A. La respiration 4–6 (à pratiquer 2–3×/jour hors crise)
- Inspirez par le nez pendant 4 secondes.
- Expirez doucement par la bouche pendant 6 secondes (l’expiration plus longue active le système parasympathique).
- Répétez 3–5 minutes.
Astuce TCC : entraînez-vous quand ça va bien. En crise, on exécute ce qu’on a déjà répété.
B. Ancrage attentionnel « 5–4–3–2–1 »
- 5 choses que je vois, 4 que je touche, 3 que j’entends, 2 que je sens (odeurs), 1 que je goûte.
- L’objectif n’est pas de chasser la panique mais de déplacer l’attention vers le présent, ce qui diminue l’escalade.
C. Script minute « PANIC »
- Pause : m’arrêter, pieds au sol.
- Air : 4–6 pendant 1 minute.
- Nommer : « Ceci est une réponse de panique, pas un danger mortel ».
- Inviter les sensations : « Je peux les laisser passer comme une vague ».
- Continuer : reprendre l’activité prévue sans ajouter de béquilles (ne pas fuir, ne pas s’asseoir si ce n’est pas nécessaire).
D. Hygiène respiratoire quotidienne
- 10 min de marche tranquille en respiration nasale, 1–2 fois/jour.
- Éviter les soupirs fréquents ou respirations hautes thoraciques prolongées (favorisent l’hyperventilation).
Restructuration cognitive pour désamorcer la catastrophe
Objectif : questionner la crédibilité et l’utilité des pensées automatiques de panique.
A. Le carnet ABC en 4 questions
- A (Activant) : « Où étais-je ? » « Qu’ai-je ressenti dans mon corps ? »
- B (Beliefs/Croyances) : « Quelle pensée a explosé ? » (ex. « Je vais faire un malaise »)
- C (Conséquences) : émotions (0–100), comportements (fuite, appel d’urgence, etc.)
- D (Disputation/Débat) :
- Preuves pour/contre : « Quelles preuves solides soutiennent cette pensée ? »
- Alternative réaliste : « Mon cœur bat vite car je stresse ; ça retombe toujours en quelques minutes. »
- Test comportemental : « Que puis-je faire pour vérifier ? » (ex. rester 2 minutes de plus dans la file d’attente avec respiration 4–6).
B. Restructurer les croyances « méta »
- Croyance toxique : « Pour être en sécurité, il faut zéro symptôme ».
- Réponse TCC : « La sécurité vient de ma capacité à tolérer des sensations désagréables, pas de leur absence. »
C. Échelle de catastrophes
Lister le scénario craint (« je m’évanouis », « je deviens fou », « je me ridiculise »), puis noter probabilité et gravité, et décider d’une réponse efficace (ex. si malaise : s’asseoir, respirer, prévenir — maîtrisable, pas mortel).
Réduire les comportements de sécurité pour casser l’entretien
Les « béquilles » empêchent d’apprendre que la panique culmine puis décroît sans danger réel.
Exemples : bouteille d’eau « au cas où », s’asseoir immédiatement, appeler quelqu’un à chaque sortie, surveiller en permanence le pouls, rester près des sorties, éviter les files d’attente/supermarchés/transports.
Plan TCC : dresser la liste, puis déposer progressivement ces béquilles, une à la fois, en s’appuyant sur la respiration 4–6 et le script « PANIC ».
Entraînement progressif, expositions interoceptives & situationnelles
Même si l’article se concentre sur respiration/pleine conscience et restructuration, la TCC inclut souvent de brèves expositions interoceptives pour désensibiliser les sensations qui déclenchent la catastrophe.
A. Interoceptif (2–3 min, chronométré, sécurité respectée)
- Hyperventilation légère (30–60 s) → observer vertiges/étourdissements et les laisser passer.
- Course sur place (1–2 min) → accélération cardiaque tolérée avec 4–6 ensuite.
- Tourner sur soi (30 s) → sensation de flottement sans s’alarmer.
On enchaîne avec 1 min de 4–6 + restructuration : « Ces sensations sont pénibles, pas dangereuses. »
B. Situationnel (hiérarchie 0–100 SUDS*)
Créer une échelle d’expositions (ex. rester en caisse 2 min, prendre un bus sur 1 arrêt, s’asseoir au milieu d’une rangée, etc.).
Règle : Rester jusqu’à ce que l’anxiété baisse d’au moins 50 % ou 5–10 min, sans béquille, en pratiquant 4–6 et l’ancrage 5–4–3–2–1.
Accompagnant Psy Montauban sur un plan d’action sur 14 jours
Jour 1–2 :
- Établir votre carnet ABC.
- Apprendre respiration 4–6 (2×/jour, 3–5 min).
- Lister béquilles + situations évitées.
Jour 3–4 :
- Implémenter le script PANIC.
- Première restructuration d’une pensée clé (tableau preuves/contre).
Jour 5–7 :
- 2 expositions interoceptives (hyperventilation légère, course sur place) suivies de 4–6.
- Déposer 1 béquille (ex. laisser la bouteille d’eau dans le sac).
- Début hiérarchie : une petite situation (SUDS 30–40).
Jour 8–10 :
- Poursuivre 4–6 (2×/jour) + ancrage 5–4–3–2–1.
- 1–2 expositions situationnelles supplémentaires (SUDS 40–60).
- Restructurer une croyance « méta » (tolérance aux sensations).
Jour 11–14 :
- Ajouter une exposition (SUDS 60–70).
- Déposer une deuxième béquille.
- Bilan : noter fréquence, intensité, durée des paniques, auto-efficacité (0–10).
Erreurs fréquentes
- Chercher à éliminer toutes les sensations → viser plutôt la tolérance et la récupération.
- Respirer trop vite/fort en crise → revenir au 4–6 (expirer plus long).
- Accumuler des béquilles « au cas où » → planifier leur retrait graduel.
- Éviter les situations anxiogènes → expositions graduées et répétées.
- Analyser à chaud en pleine crise → faire l’analyse ABC après coup, à tête reposée.
En résumé
La TCC et la gestion des états de panique reposent sur trois piliers : régulation respiratoire & pleine conscience pour apaiser le corps, restructuration cognitive pour désamorcer la catastrophe, et entraînement progressif (dépôt des béquilles + expositions) pour réapprendre que les sensations sont supportables et transitoires. Bien appliqué, ce protocole diminue l’intensité, la fréquence et la peur anticipatoire — et vous redonne la main.
A noter : *SUDS – Subjective Units of Distress Scale (échelle subjective de détresse)